Pour soutenir l'opération "coup de gueule", le syndicat appelle les inspectrices et les inspecteurs à signer la pétition en ligne. Cette action a pour objectif de lutter contre l’autoritarisme, ce mal insidieux qui gangrène pernicieusement toutes les strates du système éducatif.
Pour reprendre la belle définition de Christian Beullac, l’autoritarisme peut être vu comme « l’autorité sans discernement et sans dialogue ». On peut, hélas, constater des comportements de ce type à tous les niveaux du système éducatif, dès lors que l’individu se targue de sa situation de « supérieur » pour imposer un choix en le présentant comme non discutable ou, ce qui est plus pervers, en négligeant totalement des avis qu’il a feint de solliciter pour sauver les apparences du dialogue.
Bien évidemment, ce type d’attitude totalement détestable est fort éloigné de la logique des ressources humaines, ce qui ne l’empêche pas d’être extrêmement fréquent. Il va sans dire que les inspecteurs ne sont pas les seuls à subir ce genre d’agression ; ils sont même, en certains cas, ceux qui adoptent ce positionnement tant il est banalisé dans notre structure éducative. Les enseignants eux-mêmes ne font guère mieux vis-à-vis des élèves… Finalement, du ministre vers les recteurs, puis des recteurs vers leurs collaborateurs, de ceux-ci vers les corps d’encadrement, de ces derniers vers les enseignants et enfin des enseignants vers les élèves, chacun est à un moment ou l’autre en situation de faire preuve d’autoritarisme, s’il cède à l’envie de couper court à l’échange.
Il est, certes, des moments où une décision doit être prise et, si elle s’applique à tous, il est clair que chaque participant devra faire un effort pour dégager une position consensuelle. Celui qui refuserait systématiquement les décisions partagées pourrait, finalement, se montrer tout aussi tyrannique que celui qui impose son point de vue. Ce serait, en quelque sorte, un autoritarisme renversé qui, si on y réfléchit bien, n’est pas si rare, mais possède finalement les mêmes caractéristiques de refus du dialogue.
On pourrait aussi faire observer que certains interlocuteurs font preuve d’une plus grande habilité pour convaincre leurs auditeurs, mais qu’ils obtiennent des résultats comparables en « arrachant » des accords plus qu’en convainquant réellement. Sans nier cette évidence, il apparaît cependant qu’elle n’est pas aussi nocive que la brutalité manifestée par les « supérieurs » ici dénoncés. En effet, l’autoritarisme peut prendre différents visages, mais c’est surtout les séquelles qu’il laisse chez ceux qui le subissent qui apparaissent intolérables.
Nous connaissons tous des supérieurs que nous apprécions et, même s’il peut leur arriver de nous imposer une orientation qui ne correspond pas vraiment à ce que nous souhaiterions, nous l’acceptons sans regimber, car le dialogue a été mis en place, selon des modalités de respect mutuel. Nous sommes dans ce cas en capacité d’adhérer, sans avoir l’impression de nous soumettre. Malheureusement, nous subissons aussi des supérieurs qui nous conduisent à obtempérer, tout en recherchant, le plus discrètement possible, les moyens de résister aux injonctions posées.
C’est face à ces personnes que le syndicat s’élève aujourd’hui. Non seulement pour défendre les inspecteurs, mais aussi pour éviter qu’à leur tour ils ne reproduisent ces comportements marqués par l’autoritarisme et le mépris. Ce qui nous convainc nous élève ; ce qui nous soumet nous avilit ; triste évidence qui amplifie encore notre désarroi et notre mal-être.
La lutte doit donc se situer à tous les niveaux, mais d’abord en proximité. En effet, il est relativement facile de dénoncer les égarements de ce qui est loin de nous. Une déclaration ministérielle peu convaincante déchaîne nos foudres… En revanche, nous sommes souvent beaucoup plus discrets face à des comportements de supérieurs directs, même quand ces derniers nous malmènent de manière inacceptable. Pire, nous avons souvent tendance à « baisser le nez pour regarder le bout de nos chaussures » quand c’est un de nos collègues qui est dans le collimateur. Nous trouvons même, parfois, l’audace de justifier notre silence en adhérant, fût-ce partiellement, aux arguments avancés par l’agresseur pour expliquer sa colère. Nous sommes nombreux à avoir assisté à des attaques en règle ; nous le sommes beaucoup moins à nous être élevés contre de tels agissements.
Aujourd’hui, le SI.EN UNSA dit simplement : assez ! Cela suffit, nous refusons les violences stupides de chefaillons qui confondent sens des responsabilités et autoritarisme, qui préfèrent imposer plutôt que convaincre, qui sont incapables d’entendre autre chose que leur ego démesuré et qui n’imaginent même pas que d’autres solutions que celles qu’ils ont échafaudées pourraient être préférables. Nous refusons les brutalités institutionnelles et leur banalisation. Nous nous élevons contre ces « promotions à la médiocrité » qui apparaissent souvent comme la seule issue à des conflits locaux. Nous ne voulons plus entendre que « ce n’est pas bien grave » ou que celui qui nous insulte ou nous contraint sans argument légitime « a beaucoup de responsabilités, le pauvre » ! Ces bla-bla lénifiants, qui sonnent comme un déni ou une faiblesse, montrent le peu de volonté de notre « encadrement supérieur » et de l’administration centrale à vraiment réformer l’École.
École de la confiance, de la bienveillance ?... De telles ambitions supposeraient une vraie volonté de rejeter l’autoritarisme et de réagir face à ces manifestations. Le cap était superbement tracé par Christian Beullac. Avons-nous avancé depuis 1980 ? Pas d’un iota ! Aujourd’hui encore des inspecteurs sont brutalisés ; de plus en plus souvent ils finissent par craquer et combien d’entre eux se retrouvent en congé de maladie, sans que ceux qui sont à l’origine de ces troubles soient le moins du monde inquiétés ? Aujourd’hui encore des inspecteurs se voient imposer des décisions parfois absurdes, mais présentées comme indiscutables ! Redécoupage des circonscriptions, attribution ou retrait autoritaire de mission, départ en formation… Autant de mesures imposées à la hussarde qui montrent bien le peu de cas qui est fait de ceux qui les subissent.
Alors, oui, « coup de gueule » est fait pour faire cesser de tels comportements. Ensemble, solidaires, nous avons la capacité de donner à notre syndicat ce rôle fondamental de contre-pouvoir, pour que la peur change de camp et que ceux qui nous maltraitent apprennent à nous craindre.
Entendons-nous bien, nous ne nous contenterons pas de dénoncer de manière « générique ». Nous n’hésiterons pas à exposer sans fard ces dérives locales sur lesquelles le système jette un voile qui se prétend pudique, mais qui n’est que la manifestation d’une impuissance si ce n’est d’une lâcheté.
Quand nous fermons les yeux sur ce que nous considérons pourtant comme inacceptable, demandons-nous : qui sera le prochain ?… Alors, ensemble, n’attendons pas d’être ce prochain. L’isolement, c’est la faiblesse de tous ; le syndicat, c’est la force pour chacun ! À nous de dire ce que nous voulons et de construire notre avenir au lieu de le subir.