Evaluations 2

Du premier comme du second degré, de nombreux collègues nous font part de leur désarroi et de leurs inquiétudes. Si chacun se réjouit d’avoir pu mener une rentrée « presque normale » avec, en particulier, la reprise d’échanges plus réguliers avec les équipes pédagogiques selon des modalités plus sereines que ce que nous avons connu lors de la crise sanitaire, bien des incertitudes pèsent sur les inspecteurs, ce qui génère un vrai malaise.

 Evaluation externe des établissements, un concept intéressant, mais une mise en oeuvre problématique

Dans de nombreuses académies, un des points majeurs de déstabilisation de nos collègues se situe autour des évaluations des établissements. Nous avons souligné à plusieurs reprises que ce nouveau concept sous-tendait des orientations qui nous semblent réellement pertinentes, mais qui nécessitent du temps, de la réflexion, de la formation et des ajustements pour tenir leurs promesses. Malheureusement, toutes ces contraintes sont manifestement négligées et s’effacent devant une préoccupation unique : tenir les quotas !

Dans le second degré, nous avions obtenu l’an dernier que les 20% d’établissements d’une académie soient revus à la baisse et, fréquemment, ils avaient été ramenés à 12%. Les équipes d’évaluateurs avaient réussi à tenir la charge, mais ceci avait contraint de nombreux inspecteurs à réduire leur action d’accompagnement de leurs équipes disciplinaires. Cette année, il est donc indispensable de reprendre des actions de formation ou de suivi de projets, mais dans plusieurs académies il est demandé aux inspecteurs non seulement de tenir les 20% annuels, mais encore de « rattraper » les évaluations qui n’avaient pu se tenir l’an dernier. En même temps, de nombreux collègues nous indiquent qu’ils ont reçu comme consigne de rattraper au plus vite des PPCR restés en attentes.

Dans le premier degré, nous avons réussi à faire entendre raison à des départements où les DASEN voulaient faire plus que ce qui était demandé… ou plutôt faire faire aux IEN plus qu’il n’était possible ! En certains lieux, les DASEN demandaient ainsi une, voire plusieurs, évaluations d’écoles par circonscription au cours du premier trimestre, alors que le CEE, dans la logique expérimentale arrêtée, limitait cette ambition à une école par département. Et maintenant, alors qu’aucune formation n’a encore été envisagée pour les équipes d’évaluateurs, certains supérieurs hiérarchiques locaux n’hésitent pas à évoquer la nécessiter de « monter » à 20% des écoles d’une circonscription au cours des deux derniers trimestres !

Globalement, nous sommes en train d’assister à une regrettable dérive techniciste qui n’aura pour vocation que de « faire du chiffre » pour satisfaire on ne sait qui. Plus rien ne semble compter que la préoccupation d’atteindre un objectif quantitatif, en négligeant radicalement le sens profond de ce nouveau concept. Oubliée la nécessité d’impliquer les équipes pédagogiques dans une démarche fondée sur le volontariat, abandonnée la volonté de former les équipes à l’autoévaluation… Plus qu’une préoccupation : cocher des cases en quantité suffisante !

Les équipes pédagogiques sont épuisées et ont besoin de se recentrer sur des pratiques plus paisibles que ce qu’elles ont vécu au cours des deux dernières années, les élèves ont eux aussi besoin de reconstruire des relations à l’école qui ont été sérieusement malmenées. Les inspecteurs et les chefs d’établissement font remonter ces évidences, mais ne sont pas entendus par une hiérarchie qui s’enfonce progressivement dans l’autisme et le déni de toutes les difficultés rencontrées par ceux qui s’attachent au quotidien à mieux faire réussir tous les élèves.

Dans ce contexte, le SI.EN UNSA alerte solennellement le ministère sur la nécessité de prendre le temps nécessaire pour que ce nouveau concept d’évaluation soit compris et construit, seule solution pour qu’il produise des effets significatifs et durables. L’École de la confiance ne pourra se construire que dans la souplesse et l’intelligence, pas dans le formalisme et à la schlague !

Nous engageons tous les responsables académiques à nous alerter sur toute pression dont les inspecteurs feraient l’objet pour satisfaire à des injonctions quantitatives impossibles à satisfaire de manière qualitative. Nous nous appuierons sur ces éléments pour sensibiliser nos interlocuteurs ministériels à la dérive en cours. Bien évidemment, nous saurions aussi imaginer des solutions plus radicales si nous n’étions pas entendus, mais les échanges ouverts et responsables que nous avons eus jusqu’alors avec le CEE nous laissent espérer que nous pourrons faire entendre le malaise de cadres qui soutiennent l’innovation, mais ne peuvent accepter l’évolution technocratique qu’ils constatent aujourd’hui.