Revue 149 6Scolarisation des élèves en situation de handicap : où est le pilote ?

Qui désormais pilote la scolarisation des élèves en situation de handicap ? Cette simple question, à l’issue d’une année d’alternance ministérielle, bien des IEN ASH semblent se la poser. Dans le droit fil de nos précédents articles sur les difficultés croissantes dans nos établissements scolaires, cet enjeu majeur d’une école plus inclusive, dépassant désormais le simple public scolaire en situation de handicap, nécessite l’union stratégique la plus large des différents acteurs. Pour des raisons multiples, force est de constater que nous n’y sommes pas !

Premier point : une réelle absence de vision stratégique de notre ministre sur cet enjeu.

Ce dossier ne figure pas dans les huit grands dossiers du ministère tels qu’ils sont annoncés sur l’onglet de politique éducative de son site : les valeurs de la République à l'École ; le collège ; Le recrutement à l'Education nationale ; vaincre le décrochage scolaire ; l’éducation-économie ; le plan numérique ; les rythmes scolaires à l'école ; non au harcèlement ! Nous vous laissons découvrir le chemin pour parvenir au sujet qui nous préoccupe…
Par ailleurs, bien des IEN ASH conviennent que le Bureau de la personnalisation des parcours scolaires et de la personnalisation des personnes handicapées attaché à la DGESCO reste inaudible. Autrefois interlocuteur privilégié des IEN ASH, celui-ci s’est contenté d’une note le 14 mai 2018 relative au guide « vade-mecum de la rentrée scolaire » édité par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). Ce guide n’est pas à la hauteur des difficultés actuelles, notamment pour ce qui est de l’absence de places en établissements médico sociaux et en services de soins, situation désormais bien connue dans bien des départements.
Nous inviter à travailler de concert avec les MDPH pour harmoniser nos calendriers témoigne de l’incapacité à percevoir la situation réelle. Pour exemple, en Loire Atlantique, ce sont 895 élèves (données de l’observatoire de la MDPH), notifiés au regard de leurs besoins, qui sont en attente de places en établissements médicosociaux (dont près de 400 en accueil de jour), pour une population de près de 7700 élèves en situation de handicap.
Quelles sont les annonces majeures portées par notre ministre en dehors d’une augmentation qui semble sans fin de l’aide humaine, qui désormais montre plus que ses limites ?

Deuxième point de réflexion : existe-t-il un pilotage partagé ?

Tous les IEN ASH sont désormais très attentifs aux déclarations de Sophie Cluzel, Secrétaire d’État auprès du Premier ministre chargée des personnes handicapées. Que notre ministre soit régulièrement à ses côtés nous rassure à peine, tant il reste silencieux quant aux mesures annoncées, comme l’implantation des services de soins dans les écoles, le développement des classes externalisées dans les établissements scolaires.
Le plan de transformation pour l’école inclusive, annoncé conjointement le 4 décembre 2017, illustre cet écart entre ce que vivent bien des équipes pédagogiques actuellement et les mesures annoncées. Dans ce concert destiné à nous donner le cap à tenir vers une Ecole inclusive, nous nous demanderons accessoirement quelle est la place accordée aux Agences régionales de santé (ARS) et à leur ministre de tutelle. Le pilotage partagé, oui bien sûr, mais l’est-il vraiment ? Avons-nous croisé nos lectures respectives de la situation actuelle ?

Troisième point : l’évolution sociétale.

Soyons également convaincus que nous ne sommes pas en train de rattraper notre retard supposé quant à la scolarisation des élèves en situation de handicap. D’énormes efforts ont été réalisés depuis des années dans les établissements scolaires publiques, n’en déplaise à Madame Cluzel. Nous devons faire face à une évolution sociétale majeure quant au développement de certains troubles, notamment les troubles du comportement chez des enfants très jeunes. Les PMI ont déjà alerté en mai 2017 sur cette évolution, en posant certaines hypothèses comme l’utilisation des écrans multiples tant par les enfants que par les parents eux-mêmes. Les ARS restent hélas bien trop silencieuses sur cette question d’avenir.

Appelons une énième fois à construire ensemble une véritable union stratégique, respectueuse des champs de compétences de chacun. Il y a urgence !