Alors que plusieurs candidats annoncent la fin du collège unique qui serait même souhaitée par 75% des personnes interrogées, un regard neutre est sans doute nécessaire pour comprendre les enjeux. Si le collège ne fonctionne pas de manière satisfaisante, il faut en analyser les causes pour pouvoir apporter des solutions pertinentes avec deux options fondamentalement opposées : soit ce sont les élèves qui devraient s’adapter aux contraintes institutionnelles, soit c’est le collège qui devrait s’organiser pour répondre à la diversité des élèves.
Le collège unique, un principe fondamental de notre pacte républicain
Le collège unique répond à une double exigence, celle de scolariser tous les élèves jusqu’à 16 ans et celle de faire acquérir à tous, dans un même cadre éducatif, un socle commun de connaissances et de compétences.
Une diversité source de difficultés
Les différences de niveaux et de rythmes d’apprentissages perturbent parfois de manière importante le déroulement des classes, source de frustration pour les élèves qui ne peuvent pas suivre le programme collectif comme pour ceux qui souhaiteraient avancer plus vite. Ces frustrations génèrent des comportements que les professeurs ont parfois du mal à maîtriser et qui peuvent dégrader le climat scolaire. Cette situation est d’autant plus mal vécue que les attentes sociales restent fortement focalisées sur une performance attendue d’abord en termes de niveau scolaire.
Des causes multiples et complexes
A – Le rôle de l’école primaire
Quels que soient les objectifs fixés pour la fin de l’école primaire, il ne peut pas y avoir homogénéité et les apprentissages dans tous les domaines doivent naturellement se poursuivre au collège, ce qui se traduit symboliquement par l’association des classes de CM1, CM 2 et 6ème au sein du cycle 3.
B – Le fonctionnement du collège
L’enseignement disciplinaire se traduit pour chaque classe de 6ème par l’intervention de huit professeurs pour les seuls enseignements obligatoires avec une durée de cours comprise entre 1h et 4h30. Chaque professeur ayant en charge au moins 4 classes intervient au moins auprès de 120 élèves. Il est facile de comprendre pourquoi le regard individualisé sur chaque élève est forcément limité. De même que la concertation régulière entre professeurs d’une même classe est matériellement impossible, ce qui conduit à donner aux élèves une quantité de devoirs à la maison dont personne n’est en mesure de maîtriser les excès générés par la conviction que le travail personnel dans toutes les matières est essentiel à la réussite de chacun. Autre facteur majeur de perturbation, et de perte de temps, l’attribution à chaque professeur d’une salle de classe particulière qui oblige tous les élèves du collège à changer de salle à chaque heure de cours alors qu’il serait plus simple que ce soient les seuls professeurs qui se déplacent.
C – Les attentes de la société
Alimentées par le discours décliniste sur le niveau qui baisse, les attentes sociales se focalisent sur l’orthographe et le calcul alors que les élèves progressent dans les autres matières et que le niveau d’ensemble se maintient légèrement au-dessus de la moyenne des autres pays. Cette perception négative alimente une nostalgie de l’école d’antan qui se traduit par la volonté irrationnelle d’un retour aux fondamentaux, alors même que les élèves français bénéficient déjà d’un temps d’enseignement des disciplines dites fondamentales nettement supérieur à la moyenne des autres pays. Bien que toutes les crises sociales (terrorisme, abstention, délinquance, etc) conduisent inévitablement à s’interroger sur le rôle de l’école dans la construction du vivre ensemble, il semble que les indicateurs éducatifs soient considérés comme peu importants, tout comme le caractère élitiste d’un système qui se montre incapable de réduire les inégalités sociales.
Des propositions traduisant un choix de société
A – Fondées sur l’exclusion des élèves
Certificat d’étude, redoublement, classes de niveau, fin du collège unique, etc… sont autant de propositions consistant à exclure les enfants en difficulté pour ne pas pénaliser les autres dans la quête impitoyable d’un mérite républicain reposant sur une vision darwinienne associant sélection naturelle et concurrence vitale.
B – Fondées sur l’adaptation du collège
La réduction du nombre de professeurs intervenant auprès de chaque classe de collège grâce à la bivalence disciplinaire, l’intégration des temps de concertation dans les obligations de service, la gestion rigoureuse du travail personnel des élèves dont la plupart des cours devraient être assurés dans une même salle, une amorce de diversification des parcours, etc… sont autant de pistes qui permettraient de mieux adapter le fonctionnement du collège pour accueillir tous les élèves.