CP à 12 pour REP et REP+ : un premier bilan
L’heure du premier bilan arrive : quelle plus-value pour les élèves d’éducation prioritaire en matière d’apprentissage de la lecture ? Chaque nouveauté apporte son lot de commentaires, le point de vue des professionnels, celui des parents, un autre des médias. Chacun y va de son couplet en oubliant juste un petit détail, c’est qu’il se permet de tirer des généralités à partir d’un cas particulier. A l’heure d’une grande réflexion sur l’enseignement des mathématiques, c’est un peu gênant. Alors prenons un peu de hauteur dans ce paysage nombriliste où le consensus général tend à montrer une certaine satisfaction et regardons la situation avec les yeux aguerris de l’inspecteur.
Les IEN fortement sollicités
Nous sommes passés par diverses appellations, des « CP à 12 » à « 100% de réussite » ou tout simplement aux « CP dédoublés ». Mais quelle que soit cette appellation, l’inspecteur a dû s’adapter, organiser les enseignements, monter des formations, convaincre, négocier avec les collectivités territoriales l’aménagement, voire l’implantation de nouveaux locaux.
Ce fut un travail chronophage pour quelques classes seulement de sa circonscription puisque les autres secteurs dits ordinaires étaient toujours bien présents avec leur lot de problèmes quotidiens à résoudre, sans compter les autres missions diverses et variées à assurer.
Certes, tous les inspecteurs n’ont pas été forcément logés à la même enseigne : il était plus facile de gérer des équipes qui profitaient de temps de formation et de conditions matérielles optimales, que d’autres qui se partageaient un groupe de 24 élèves en co-enseignement.
Certaines académies privilégiées ont pu mettre en place un pilotage par des formations conséquentes alors que d’autres ont juste géré les injonctions.
Toute cette énergie pour quel gain ?
Les élèves ont globalement mieux et plus appris que les autres années, tous ont œuvré dans des conditions plus sereines. Heureusement, mais c’est bien un minima au regard des moyens déployés. La réelle plus-value, c’est au niveau des élèves que nous la verrons si les évaluations conduites sont maintenues et si leurs résultats sont analysés avec professionnalisme.
Il est pourtant clair que si l’inspecteur doit veiller à développer une bonne écoute auprès des enseignants, ne pas leur mettre une pression excessive, faire preuve de bienveillance, il peut se demander qui développera les mêmes attentions à son égard.
Des mesures qui masquent des carences dans la formation
Au-delà de la question des CP et des CE1 de REP+, c’est le pilotage pédagogique dans la circonscription qui devient illusoire puisque l’inspecteur doit déjà s’assurer qu’il est à jour avec toutes les mesures qui sont mises en place dans les écoles visant à relever le niveau des élèves.
Sans remettre en cause le bien-fondé de ces mesures ni leur cohérence (dictée quotidienne, conte de la semaine, phonologie…), il est pourtant fondamental de s’interroger à propos de leur mise en œuvre : chacun sait qu’il ne suffit pas de demander pour obtenir et qu’imposer ne peut au mieux que donner un résultat de façade.
Les carences de quelques décennies d’une formation professionnelle obsolète et surtout dépourvue de fondements théoriques coûtent cher aujourd’hui tant le retard à rattraper est important, tant il est compliqué de mobiliser des enseignants autour de formations hybrides ou à distance, eux qui parfois découvrent ces modalités en fin de carrière.
L’inspecteur reste le premier vecteur de toutes les innovations, celui de la proximité, la cheville incontournable de la réussite du système. En retour, il est en droit d’attendre les moyens d’assurer cette promotion et les marques de reconnaissance qui l’assureront de la bienveillance de leur hiérarchie.