L’école obligatoire dès trois ans, vraie ou fausse révolution ?
Lors des récentes Assises de la Maternelle, le Président de la République a présenté le projet de loi concernant l’abaissement de l’âge de la scolarisation obligatoire à trois ans à la rentrée 2019.
Tous les enfants nés avant le 1er janvier 2017 devront être scolarisés. L’augmentation des effectifs est évaluée à 20 000 élèves. Bonne mesure pour l’école ou simple effet de communication ?
Objectif : favoriser la réussite scolaire
C’est en quelque sorte une révolution dans le paysage de la république qui, depuis les lois Ferry de 1882 n’a connu que deux aménagements concernant l’allongement à 14 ans en 1936 puis à 16 ans en 1959. Si la limite inférieure de 6 ans avait déjà été évoquée à maintes reprises par plusieurs gouvernements successifs, elle n’avait pour autant jamais été touchée.
Ce choix nouveau s’appuie sur des études scientifiques qui démontrent que la stimulation cognitive avant 5 ans favorise la réussite scolaire jusqu’à l’insertion professionnelle. Les constats actuels montrent pourtant un taux de 97% des enfants déjà scolarisés à 3 ans. Ce taux tout à fait honorable n’est pas pour autant un gage de réussite contre les déterminismes sociaux tant les facteurs qui entrent en jeu sont multiples.
Incidences sur la carte scolaire
Dans certains territoires, la création de postes nécessaires à l’accueil des enfants de trois ans impactera la carte scolaire de la même manière que la création des CP dédoublés. La dotation en postes par département devra tenir compte de ces particularités. Depuis l’annonce, les médias se sont provisoirement emparés de la question : certains annoncent la nécessité de créer 800 postes pour diviser la moyenne d’élèves par classe par deux (passer de 22, moyenne française à 13, moyenne européenne faible). Tous s’interrogent donc sur la mise en œuvre de cette réforme. A défaut, la loi rimera avec une augmentation des effectifs (25,5 en moyenne par classe). Rappelons que la moyenne des effectifs en France et le taux d’encadrement rapporté au nombre d’adulte par classe est un des plus élevés d’Europe.
Une nouvelle charge pour les communes
C’est un sujet qui pose de nombreuses questions loin d’être anodines : la fréquentation liée à l’obligation scolaire suppose des conditions matérielles d’accueil revues avec des investissements incontournables pour les collectivités territoriales, des lieux de repos aux lieux de restauration. La mise en œuvre de l’obligation scolaire à trois ans risque d’avoir une incidence considérable sur les dépenses de certaines communes, en particulier dans les régions où l’implantation de l’école privée sous contrat est forte. On peut dès lors s’interroger sur un rebond de la guerre scolaire « public/privé ».
Et pour les inspecteurs
Affirmer l’identité propre de la maternelle en assurant la promotion de l’acquisition du langage ne peut que faire consensus au sein de la communauté éducative. Il reste que cette mesure, si elle est mise en place, aura une incidence non négligeable sur le travail des inspecteurs.
Certaines familles, pour des raisons diverses, n’inscrivent pas leurs enfants à l’école. Un contrôle de l’instruction dans la famille devra donc être renforcé.
Parallèlement, c’est tout un programme de formation qui se dessine puisque ce ne sont pas les programmes qui sont remis en cause mais leur mise en œuvre. Les inspecteurs seront là aussi fortement sollicités sur ce sujet, ce qui ne manquera pas d’alourdir encore un peu plus leur charge de travail.
Depuis un an, réformes et mesures se mettent en place au sein de notre ministère. Si nous approuvons souvent leur bien fondé, nous regrettons en revanche qu’elles soient mises en œuvre sans qu’aient été prises en compte les difficultés de mise en œuvre sur le terrain. Il ne suffit pas de décréter pour que tout fonctionne comme prévu.