Dans une « confidence » faite en octobre 2017 au quotidien britannique The Guardian, Emmanuel Macron aurait dit qu’il n’était pas fait pour diriger par temps calme comme son prédécesseur, mais qu’il était fait pour les tempêtes… Ce règne avait six mois, déjà Neptune perçait sous Jupiter.
On peut être admiratif d’une telle prémonition, surtout face à un chef qui dit aujourd’hui encore vouloir garder le cap en accélérant même le rythme de ses réformes. Mais de quel cap s’agit-il ?
En apparence, c’est le cap du travail solidaire…
Réduire les impôts des plus riches pour qu’ils investissent dans les entreprises qui pourront ainsi créer des emplois, ce qui générera des cotisations sociales permettant de financer santé, retraites et chômage. C’est le modèle de l’ancien monde, celui d’une économie locale et industrialisée, où seul le travail est source de richesse. D'où cet cet hymne au travail qui est décliné fièrement par les marcheurs et leur général en chef, qui ne cessent de répéter en boucle qu’il faut « que le travail paye"… Sans aucune considération pour les agents du service public, les retraités, les chômeurs et les inactifs, tous ces parasites qui coûtent un pognon de dingue et menacent notre rang de 6ème puissance mondiale… Enfin pas trop quand même car depuis un an il y a eu 259 000 millionnaires de plus dans notre pays, portant leur nombre à 2 157 000… tous des premiers de cordée !
En réalité, c’est le cap de l’individualisme…
Car les principales mesures qui sont prises ont pour dénominateur commun la réduction des cotisations sociales et des impôts : heures supplémentaires et prime d’activité. Ces mesures paraissent massivement approuvées car elles ont pour effet immédiat d’augmenter le pouvoir d’achat depuis trop longtemps en berne des salariés. Mais leurs effets négatifs tournent délibérément le dos au principe de solidarité qui fonde notre pacte social :
- Il sera évidemment plus rentable pour un chef d’entreprise de recourir aux heures supplémentaires que d’embaucher de nouveaux salariés, donnant ainsi de fait la priorité à ceux qui ont un emploi sur ceux qui n’en ont pas. Cette mesure était estimée en 2013 à 100 000 emplois perdus.
- La partie du salaire qui échappera ainsi aux cotisations sociales réduira de fait les ressources destinées à financer la protection sociale (de l’ordre de 4 milliards pour les seules heures sup) et surtout réduira plus tard le niveau des pensions car ces sommes ne seront évidemment pas prises en compte pour la retraite.
Face à la démagogie de tous ceux qui veulent moins d’impôts et plus de salaire… il est urgent de s’interroger sur cette tentation libérale de déconnecter salaire et financement de la protection sociale dans le même temps où l’on réduit la taxation des revenus du capital (flat tax) dans une économie devenue mondiale et financiarisée.
Le seul cap que nous devons attendre du Président de la République, c’est celui d’une plus grande justice sociale à travers une fiscalité progressive pour tous et suffisamment redistributive pour compenser les inévitables excès de l’économie libérale. Ces excès qui se traduisent par les revenus indécents des grands patrons et des stars du sport ou du showbiz, par la taxation réduite des profits boursiers des spéculateurs, et bien sûr par les différentes formes de fraude fiscale.
On nous avait dit que nous avions eu un capitaine de pédalo navigant sur une mer étale mais que maintenant nous avions affaire au commandant de bord du paquebot France… On découvre un jeune skipper inexpérimenté à la barre d’un voilier malmené dans les quarantièmes rugissants… Rien de rassurant… On a hâte de retrouver la terre ferme !
Andromède - 14 décembre 2018