« La rentrée 2008, apparaît positive pour plusieurs raisons : - la diminution des heures de cours ne semble pas devoir préjudicier aux élèves si l'on s'appuie sur les comparaisons internationales ;... »
Voilà ce que le rapporteur spécial indique à ses collègues sénateurs à propos du projet de loi de finances 2008 de l’Education nationale.
Ne pas « préjudicier »...en s’appuyant sur les comparaisons internationales ; formidable : on va diminuer les temps de classe (il y a bien un moment où on va pouvoir faire des économies quand même, l’Etat comme les collectivités locales...), sans que cela fasse préjudice aux élèves...
Quelques questions méritent cependant d’être posées :
- Y-a-t-il une limite à cette diminution des heures de cours ? sinon, on peut aussi les diviser par deux et devenir, au moins sur ce plan, champion du monde de l’école allégée !! En fait, la limite sera liée aux disponibilités des familles : on va s’arranger pour faire coïncider « au mieux » le temps de présence des élèves à l’école pour des activités collectives – classe et hors classe- avec le temps de travail des familles. Et c’est déjà parfois si difficile de faire la part des choses entre les activités et les apprentissages à l’école et hors l’école !
- Que disent les comparaisons internationales ? comme dans bien d’autres domaines, il convient d’être prudents et ne comparer que ce qui est comparable : conditions matérielles d’enseignement, formation des enseignants, recrutement des élèves, missions et ambition du système... Et, sur ce dernier point, il semble bien qu’à notre Ecole démocratique et du service publique soit assignés des objectifs spécifiques ; sinon, à quoi bon impliquer l’Ecole dans le cadre des piliers 6 et 7 du socle commun – particularité française dans le cadre européen.
- Il semble que nos élus et autres décideurs manipulent les chiffres et la notion de classement d’une manière tellement simpliste qu’elle ne peut être crédible qu’à ceux qui veulent bien être crédules ; ou alors juste pour faire sérieux pour passer une petite brève à la télé ou à la radio ; qui entendra Mérieu et autres « pédagogues » dans le concert de bêtises qu’inspirent Pisa et Pirls ?
- Il est dommageable que l’on ne s’attache pas à analyser finement ces études internationales ; peut-être qu’on trouverait qu’il faut PLUS d’heures de cours à la majorité des élèves ; ou encore des cours tout à fait autrement organisés ; ou encore avec des aides spécialisées dont l’efficacité devrait accompagner de manière plus précoce les élèves ; ou alors, mais là je rêve, en organisant vraiment la mixité sociale, celle qui est génératrice d’une mixité scolaire base d’une réussite significativement améliorée des élèves ; mais tout cela est autrement plus compliqué - et politiquement dangereux- que d’aller dans le sens de la demande sociale du « moins de contraintes » ( dont l’école) et « plus de loisirs » à la disposition des familles (enfin : de certaines familles) pour la partie éducative retrouvée et assumée par elles.
- Et puis, quoi, l’Ecole aurait-elle perdu, en France, l’ambition qui est la sienne depuis Jules Ferry ? Il voulait que ce soit les enseignants qui se chargent de l’éducation morale ; à cette époque, les instituteurs faisaient classe 30 heures par semaine ; la morale y avait droit de cité., et nombre d’enseignant(e)s faisaient vivre l’idéal laïque bien au delà de ces heures de classe dans des activités péri et post-scolaires au bénéfice de tous les élèves ; mais cela peut-être cela dont la nation ne veut plus : que l’Ecole se limite à de l’instruction et laisse l’éducatif aux familles. Nous sommes, je crois, capables de mesurer les enjeux et les risques de cette évolution.
Rares sont ceux qui se sont émus de cette baisse des heures de cours pourquoi de tels silences sur cette formidable régression républicaine ?
Moins d’école pour apprendre moins, ou alors juste ce qu’il faut ...
Moins d’école pour vivre moins ensemble à l’école ; sûrement pas le meilleur chemin pour vivre mieux ensemble, à l’école et après l’école...
Alors : jusqu’où moins d’école ?? ou est-ce la mort programmée de l’Ecole républicaine ?
Janvier 2008