La cour en conseillers foisonne.
Est-il besoin d’exécuter ?
L’on ne rencontre plus personne.1
Le grand La Fontaine, visionnaire comme on le sait, aurait-il prévu la « réforme » et son train actuel ? Si l’on en juge par le libellé des créations de postes d’Inspecteurs en 2009, nul doute à cela : nos couloirs académiques « foisonnent » et bruissent en effet de postulants à la charge glorieuse de « conseiller ».
Dialogue :
- Dorénavant les Inspecteurs devront inspecter les maîtres (NDR : c’est en principe leur métier) tous les deux ans.
- Comment le pourraient-ils, happés qu’ils sont par mille tâches, enquêtes et missions ?
- Des postes seront créés en conséquence (NDR : tel est le cas en effet)
Ciseaux en mains, des départements taillent et retaillent les circonscriptions du premier degré pour un nouveau déguisement géographique. Les dents grincent. Au grand jour du défilé de la nouvelle collection de prêt-à-porter, quelle n’est pas la surprise de « mesurer » - terme à la mode – la proportion des postes in situ dans le patron ainsi dressé ? Où sont passés les autres ? Dans ces mêmes couloirs où nos candidats trépignaient à l’épisode précédent. Des bataillons de conseillers vont aller grossir les rangs d’un encadrement déjà mité par des chargés de mission de tout poil. Charge prestigieuse, hébergée au plus près de l’éther, dont on fait le pari qu’elle a vertu d’accélération sur le déroulement de carrière.
« Ces conseillers ainsi troussés comptent déjà dans leur pensée
Tout le fruit de leur charge » 2
Ne sachant pas très bien en quoi consiste une fonction cependant briguée pour son lustre, il y a tout lieu de penser que le conseiller sera expert en enquêtes solidement charpentées par de sagaces indicateurs, visant à mesurer (là encore) la performance du domaine dont il s’est emparé. En d’autres termes, il calculera une fois encore l’âge du capitaine en fonction de la vitesse du navire. Démuni de terrain, il se retournera vers les besogneux Inspecteurs de circonscription, chargés quant à eux du recueil des données. Papier et formulaire électronique vont de ce fait connaître une nouvelle jeunesse. Ce qui conduira tout naturellement à forger une machine informatique « nouvelle » – puisque c’est de réforme dont il s’agit – laquelle sera promue à grands coups de diaporamas dans toute la contrée, mobilisant les mêmes inspecteurs condamnés à supporter d’interminables projections de Power-Points explicatifs. Une fois la campagne publicitaire achevée et délivrés les ordres des chevaliers de l’informatique – eux aussi doivent justifier leur détachement par l’invention de machines compliquées mais imposées comme indispensables – nos conseillers/experts battront campagne à leur tour pour fixer les performances aux tâcherons de terrain. L’inspection dans tout cela ?
Quelle impertinence ! Les enquêtes d’abord, et urgemment bien sûr. Nos conseillers seront, n’en doutons pas, orfèvres en la matière, même si certains auront à peine tâté de la réalité de l’école en effectuant en personne deux ou trois inspections susceptibles de conférer une compétence en ce domaine. Ne suffit-il pas de paraître et jargonner lolfiquement pour fournir la souhaitable illusion de compétence ? Aspect plutôt traité par Molière, grand visionnaire lui aussi, dont les petits marquis parlaient la langue de bois avant que le terme soit inventé.
Il est surprenant qu’au cœur d’une institution de plus en plus autoritaire on constate une telle répugnance des chefs à diffuser eux-mêmes leurs ordres. Qui d’entre nous reçoit encore des instructions directement d’un IA ? Leurs bureaux sont squattés par une foule de mis à disposition, chargés de mission, et demain conseillers qui, quel que soit leur grade, prescrivent aux Inspecteurs leur mission pour avant-hier. On étrangle la carte scolaire pendant que l’on détache à tour de bras dans les cartels administratifs. On saborde l’USEP dont la compétence logistique sera irremplaçable. Ici ou là, c’est un PE « détaché » qui fixe les encadrements de carte scolaire ; un PLP « détaché » lui aussi qui donne des leçons de performance et de projet ; un CPC (« détaché » faut-il le préciser) qui impose ses tableaux. Toute cette valetaille est tellement « détachée » du monde que chacun imagine sa mission comme prioritaire. C’est ainsi que se déverse chaque jour une benne d’injonctions dans les boîtes mail des Inspecteurs. L’encadrement qui a bien vu venir tout cela, se tiendra prudemment à l’abri, dissimulé derrière cette garde prétorienne qui prendra la pluie à sa place. Car il y a tout lieu de penser que nous ne pourrons faire face au raz de marée de la fougue évaluative de ces porteurs de dossiers, conseillers new age.
L’arrivée massive des conseillers techniques (Inspecteurs « détachés ») augure de lendemains savamment « pilotés » ! Et nous n’inspecterons pas davantage, « évalués » cependant à l’aune d’un chiffre qui baisse année après année. Chercherait-on à démontrer, LOLF en main, que nous sommes inutiles car non « performants » ?....
Rats conseillers ou raz de marée......