La fonction d’inspecteur, à l’instar de bien d’autres dans notre société, n’est plus la même et connait une évolution accélérée depuis, disons 20 ans pour ne pas apparaitre éventuellement trop anachronique aux yeux de certains.
Oui da mais la question, que quelques anciens pourraient se poser, serait :
« Certes une évolution mais pourquoi, comment, vers quel(s) objectif(s) si ce n’est but. »
Lorsqu’une circonscription était confiée à un inspecteur, lui incombait la responsabilité de son bon fonctionnement et ce dans toutes les dimensions du métier ; évaluation, formation (comment dissocier l’un de l’autre), relationnel intra et extra, (syndicats parents d’élèves, élus) ceci au tamis des IO et prescriptions gouvernementales auxquelles notre viscéral attachement au principe de loyauté nous liait. Qu’en reste-t-il ? sans doute une certaine nostalgie. Sans verser dans le passéisme, du temps où, chargés de cette mission d’intérêt du service public, disposant d’une autonomie de gestion, il était envisageable de parler de pilotage d’un territoire, et ancrés sur des paramètres systémiques, il nous était dédié la gestion de variables de régulation pour atteindre le but. L’on pouvait dès lors se sentir investis d’une mission de cadre supérieur. Il me semble malheureusement qu’appert la vacuité de certains termes et si j’étais encore en fonction, adossé à « supérieur », ne me viendrait qu’« exécutant », si tant est que…
Il me revient aussi les propos d’un recteur, sans doute friand d’allégories métaphoriques, à l’époque des PTA (projet de travail académique pour nos jeunes et affectionnés Marie-Louise*) nous invitant à nous inspirer de l’évolution du métier des douaniers à l’époque de l’élargissement communautaire, ne courant plus sur des chemins escarpés à la recherche des indélicats mais prenant une hauteur de vue et par voie de conséquence une distance vis-à-vis de l’opérationnalisation des situations, comme si le conceptuel nous avait échappé jusque-là.
Cependant le réel perdure : la vie des classes, des écoles, des communes dans leur rôle éducatif. L’un des outils privilégiés de cette vie professionnelle à tous les niveaux était l’inspection, véritable lien à la périodicité établie, mettant en perspective dans une relation de confiance l’amélioration du geste professionnel de nos enseignants au service des élèves. Je ne sais si un QCM à 11 croix et 2048 caractères espaces compris, trois ou quatre fois dans la carrière, peut remplacer ce qui devait être aussi notre zone d’excellence, à savoir un écrit sincère à double destinataire, l’IA pour lui rendre compte de ce qui se passait dans ses écoles, mais aussi le collègue pour attester de ses qualités et l’inviter à des pistes de réflexion à titre individuel ou collectif au moins une douzaine de fois dans sa carrière.
Mais il est vrai que de ce temps, sans remonter aux dix ans d’exclusion de l’académie d’origine, était requis une permanence minimum de trois ans sur une circonscription. L’on a actuellement, malheureusement à mon sens et sur ce point, une forte similitude avec une émission de variétés visant à faire et défaire des couples sur une attraction de fête foraine.
Pour perdurer quelque peu dans la comparaison douanière : tel le balancier de l’histoire, l’on assiste à un léger retour sur des réalités parfois omises, même pour les meilleures raisons du monde, et gageons qu’une lueur scintille dans le tunnel « grenellien » des communicants pour rendre aux professionnels leur rôle et réelle responsabilité ainsi que la reconnaissance afférente.
N'oublions pas que nos compatriotes du jour sont nos élèves d’il y a 20 ans et plus, époque grosso modo de l’émergence du fameux « vivre ensemble ». Au vu de nos fractures sociétales actuelles vient sourdre en moi, confusément, l’idée que soit la cible, de manière autonome, se serait déplacée, soit que notre incapacité fut conséquente.
Cela étant, que les congés soient pour chacun facteurs de ressourcement et d’épanouissement à l’orée d’une rentrée sans doute intense pour le corps d’inspectorat.
Elie, penseur du sud
* Les Marie-Louise est le surnom donné aux 120 000 conscrits français des classes 1814 et 1815, appelés par le sénatus-consulte du 9 octobre 1813 de l'impératrice-régente Marie-Louise