Où sont nos priorités dites-vous… ? est-il encore l’heure de parler, de penser, de faire vivre la pédagogie… quand…?
Des tirs devant l’école, des règlements de compte au portail, des alertes à la bombe, des élèves déplacés, des menaces de mort, des écoles sans « en-saignants », des élèves qui souffrent, des personnels qui pleurent…
Dis… c’est quand la retraite ?

Lundi 06h30,

Blanche a mal dormi
La veille, un dimanche, à 15h, son portable reçoit un SMS avec vidéo à l’appui ; le quartier est à feu et à sang, une guerre des gangs comme on en voit le soir au journal de 2Oh, une scène qui devient presque banale, du déjà vu…
Des tirs , des balles perdues, des voitures de police, des sirènes et des mamans qui crient… du déjà entendu…
Bien sûr si elle était restée sur son ordinateur, elle aurait vu le danger, su très vite ce qu’elle devait faire.
A 18h quand Blanche décide d’ouvrir sa messagerie pour traiter la centaine de mails du vendredi soir elle ne sait pas encore qu’une semaine terrible l’attend…
Alors il faut faire vite : prévenir DASEN, EMAS, ADASEN, SG… qui d’autre encore va bien pouvoir l’aider ? La police ? elle est déjà sur place… Faire une note, vite, un compte-rendu pour éclairer les faits, dire ce qu’on a mis en place. Même si ça prend du temps tout ça , Blanche n’a qu’une idée en tête : accompagner son personnel , être présente le matin même….
Oui mais… il faut se rendre à l’épreuve du CAFIPEMF où elle doit assurer la présidence du jury.
Elle s’inquiète, panique un peu , envoie des SMS aux mêmes personnes à qui elle a écrit… autant de bouteilles à la mer…
Des réponses ? Elle n’en aura pas tout de suite ; mais elle ira soutenir ses équipes, récupérer les multiples fiches RSST des professeurs..., rassurer (sans trop y croire), soutenir sans fléchir…

Mardi,

Le soleil se lève et promet d’ensoleiller la journée… enfin un peu d’espoir…
Blanche se rend encore sur une épreuve de CAFIPEMF le matin puis sur un COPIL l’après-midi sans même avoir eu le temps de déjeuner ; pas grave , elle a l’habitude. Ses mails attendront aussi…
Retour au bureau en milieu d’après-midi ; sa secrétaire lui indique trois faits établissements tout juste arrivés, juste trois faits…
Un père d’élève qui a giflé un autre élève devant l’école pour régler ses comptes lui-même ; des menaces de mort à l’encontre d’un directeur qui s’est vu contraint de rédiger une IP pour un élève hautement perturbateur ; et puis surtout deux très jeunes élèves qui se sont affrontés au nez et à la barbe des pompiers appelés en renfort pour les maîtriser, une enseignante en détresse, menacée insultée, …

Mercredi,

Le soleil se lève, se lève encore, radieux, mais Blanche n’y croit plus…
Sous la douche elle entend son portable sonner ; elle n’aura pas le temps de décrocher, son petit-déjeuner est déjà refroidi.
C’est une alerte : elle vient d’entendre le message vocal.
14 classes sans enseignant, tous en arrêt maladie. Elle ne comprend pas, la tête lui tourne, vite, très vite…
Elle a l’impression de rejouer le même scénario : appeler, alerter, les services, demander des remplaçants au plus vite (même si elle connaît déjà la réponse).
Elle n’a plus qu’une idée en tête : se rendre à l’école, ouvrir le portail, recevoir les élèves...
Pourvu que les brigades arrivent vite...
Elle appelle une directrice qui lui confirme qu’un mail lui a été adressé à 22h la veille ; que faisait-elle Blanche à 22h ? toujours pas devant son ordinateur !!!! Elle aurait dû, elle aurait su…
Alors elle rassure encore… les parents devant le portail, les AESH sans élèves dans la salle des maîtres, les agents d’entretien qui ne savent pas s’ils doivent quitter l’école…
Blanche continue sa journée mais sait qu’elle n’est pas encore couchée.
Elle rentre chez elle, rédige encore une nouvelle note pour rendre compte des faits, va enfin diner à 21h.
Blanche est certaine de vouloir dormir, enfin la paix, du repos, du sommeil, le réconfort de la nuit.
Elle ne sait pas encore que demain, c’est une alerte à la bombe qui la réveillera.
Cette fois-ci, elle le sait, elle se tiendra devant son ordinateur.

Dominique, IEN ensoleillée

 Je marche seule