Dans des temps immémoriaux du système éducatif et bien avant les lois de décentralisation ou de déconcentration, il était considéré dans un système cohérent que les instituteurs, puis PE, notamment, enseignent et les inspecteurs inspectent. L’on peut se poser quelques questions sur le sens de ce mot, dépassant le verbiage du grand méchant de l’administration allant chercher des noises au gentil pédagogue de terrain. Il me semble qu’un des aspects sémantiques de ce verbe contenait implicitement la notion de pilotage, à savoir un concept qui se nourrissait d’un côté des instructions officielles et de l’autre d’une réalité du terrain. Tout l’art de l’inspection étant de rapprocher l’un et l’autre, risquons un grand mot, visant à l’efficacité du Service Public d’Education pour ses premiers usagers, nos élèves.
Pour ce faire, bien évidemment, l’inspection était un des fers de lance de ce projet impliquant l’analyse des séances, partagée lors d’un échange professionnel, ne voulant pas dire stigmatisation ou enjolivement. Il s’agissait après avoir dégagé les points positifs d’identifier les pistes de réflexion pour l’amélioration du geste pédagogique. Nous savons tous que l'évolution, voire la modification des pratiques, a fortiori dans notre métier, ne se décrète pas et nécessite pour le collègue un temps d’intégration, de réflexion pour aboutir à leur application/construction. En ce sens, une périodicité de plus ou moins trois ans dans le cadre d’une continuité d’action, de projet, n’était pas déraisonnable.
De quels outils disposions-nous pour y tendre après l’entretien individuel évoqué ?
Et oui certes, nous en disposions, dans ce qu’il était convenu d’appeler un projet de circonscription, car comme convenu dans notre jargon : « Pas de projet sans moyens, pas de moyens sans projet ». Ceci pourrait être qualifié de nos jours de réciprocité positive entre le terrain et l’institution dans notre rôle médian. Au-delà des premières adresses de l’entretien pouvait s’en suivre un choix de journées pédagogiques, à thèmes ciblés, mais aussi quelques stages de circonscription, jusqu’à huit «R1*» pour les « Grognards » (vocable évoqué à titre de compensation affective) et enfin à l’échelle du département les «R3*» en cohérence avec les priorités académiques, LVE, Arts et Culture, Enseignement des sciences….
Le pilotage pouvait s’envisager sereinement avec aussi, ne l’oublions jamais, une responsabilité de guidance pour celui ou celle qui en tenait les rênes, devant aussi rendre compte. « Pas de liberté sans responsabilité, pas de responsabilité sans liberté » cf supra.
La mise en parallèle Inspection/PPCR me semble souffrir difficilement la comparaison au regard du but visé. Je peux ne plus rien entendre au sens des mots ou à la représentation conceptuelle de telle ou telle notion, mais j’ai du mal à trouver quelque équivalence entre une douzaine de visites dans une carrière de 37,5 ans à trois entretiens sur une période de 42 ans en termes de fréquence. Dans le même ordre d’idées le rapport d’inspection, vrai document épistolaire, établissant l’observation et l’analyse de situations, dégageant des pistes de réflexion, des encouragements et de l’accompagnement peut-il être comparé utilement à une sorte de QCM aux 11 items déjà ordonnés et classifiés ? Certes, existent 2048 caractères, espaces compris, pour exemplifier, illustrer, suggérer. Sans le moindre ressenti d’hypertrophie chevillère, nos grands maîtres littéraires auraient -ils été autant appréciés s’ils avaient dû passer de la Pléiade à la collection « Que sais-je » je ne sais ?
Le rapport d’inspection se voulait aussi un écrit à double destinataire, le collègue bien sûr mais aussi l’IA-DASEN dans le but louable, et ô combien nécessaire, de le tenir informé de la réalité de fonctionnement de ses écoles, de ses agents. C’est là-aussi et toujours le pilotage, ici par la remontée d’informations. Je ne sais combien de nos responsables actuels se penchent sur la consultation de PPCR pour affiner leur représentation de la mission d’enseignement au réel.
Enfin en ces temps où l’on fait mine de s’intéresser au problème de l’absentéisme et de ses conséquences sociétales néfastes, il me revient que la plupart des Rapports d’Inspection que j’ai pu commettre ou consulter ne manquaient de signifier l’état de cette réalité pour alerter ou s’en féliciter.
Pour conclure très provisoirement, si le PPCR se doit d’être un outil de gestion des carrières et de paix sociale, il me semble assez adapté à cette mission, s’il s’agit de chercher à élaborer un outil de guidance pour l’amélioration du service rendu à nos élèves par l’amélioration de l’accompagnement de nos maitres d’école, il n’en serait que le Plus Petit Commun Réducteur et lors, la quête continue sans avoir crainte d’interroger le passé pour tenter de mieux cerner l’avenir.
*R = semaine
Elie, historien (après Antoine) de notre système éducatif