Dans la série des applications plus absconses les unes que les autres, notre noble et « stable » institution, toujours plus novatrice et insatisfaite que jamais, a consacré en ce beau mois de mai 2017, le protocole Parcours Professionnels Carrières Rémunérations. Finie l’inspection traditionnelle qui permettait de réellement rendre compte de la manière de servir d’un enseignant, fini l’appui sur une procédure bien rodée laquelle permettait de cerner pour les PE, pour un même territoire, les besoins en formation et bâtir avec cohérence un plan d’actions en circonscription (pardon ! un projet de performance). C’était le temps où l’IEN pilotait dans une confiance manifestée par son administration de tutelle, le temps de la planification, de l’anticipation et des initiatives.


Aujourd’hui le code a changé. Nous avons cédé au chant des SIRHEN . Place à une variante de la bataille navale. Une symphonie en onze croix, une tactique en 5-3-3 et 2048 caractères. La bride est posée.


Ce carcan administratif normé distille au compte-gouttes des appréciations, dans une malsaine politique de quotas. Il vous appartient d’évaluer tout en respectant des volumes acceptables de satisfécits décernés. Il vous faudra, au gré d’une politique académique, classer les performances individuelles pour les fondre dans un pot commun départemental qui ne sanctionne pas la qualité réelle de l’enseignant mais répond à une quotité d’avis « excellents-très satisfaisants-satisfaisants»* imposée à l’avance. J’ai même pu observer dans un grand département, une modalité de type « bourse d’échange » où certains IEN qui n’avaient pas épuisé la totalité d’avis « Excellent » les remettaient à disposition d’autres circonscriptions lors d’une réunion de régulation de type « grande braderie » !


Il est question d’accompagnement individuel et collectif ? Observons de plus près la réalité :
- accompagnement individuel : si les éléments prescriptifs et pistes de renforcement professionnel sont absents du compte rendu alors que faut-il dire, proposer… et rédiger ?
- accompagnement collectif : si l’IEN n’est plus en gestion de la programmation annuelle des « inspections » comment penser cette notion de collectif ? Les objets de formation lui sont imposées par le national (constellations maths/français, pHARe, laïcité, APQ…), quelle est donc sa marge de manœuvre ? Quel beau mirage !


L’inspecteur n’a aujourd’hui que l’illusion du pilotage, il est un simple gestionnaire de flux et de ressources.


Philippe Meirieu avait raison quand il expliquait que lorsque nous utilisions un aspirateur nous ne regardions pas le mode d’emploi tant que nécessité ne se faisait sentir. Pour le PPCR c’est un peu la même chose sauf que… de mode d’emploi il n’y a pas !!


Dans son ambition de justesse et d’objectivité, l’inspecteur a la volonté de faire de ce rendez-vous, un temps d’échange au plus près des préoccupations des enseignants, un moment de bilan dans le parcours d’un agent (ma vie, mon œuvre). Le temps de classe est un prétexte pour évoquer la carrière, les réussites, les perspectives, le questionnement, les doutes, les besoins d’accompagnement, les évolutions vers une autre fonction, un autre métier. Ce processus fait sens s’il s’appuie sur une confiance mutuelle dans un rapport clairement établi et dont les contours sont délimités.


Alors comment concevoir que, par nécessité d’une harmonisation départementale, l’autorité hiérarchique vous interpelle pour modifier votre écrit, vos appréciations, la distribution des croix sur « quadrillage » ? Bienvenue dans un monde de contingences, dans un monde où, en fonction du rdv (1er, second, troisième), il faille à minima, pour un avis très satisfaisant, un nombre minimum de croix dans cette même colonne ? Une dérive mécaniciste honteuse souvent impulsée par un DASEN, dérive qui ne peut qu’effilocher ce lien de confiance entre équipes et inspecteur dans une circonscription.


La centrale a encore raté le coche en réduisant cet acte éminemment pédagogique à une simple procédure administrative. Dans la longue liste des injonctions et dispositions qui accentuent la perte de sens du métier d’inspecteur, le PPCR se situe en bonne place.


Très sincèrement, est-ce que ce monde est sérieux ?


*Pour la petite histoire, il n’existe pas de quota imposé pour l’appréciation finale « À Consolider » !! Ouf !


Léon, flingueur à défaut d’être nettoyeur