L'expression est libre.
A vos plumes !
Un point de tension réside dans le cadre rigide du PPCR. Le dispositif impose une grille d’évaluation standardisée, segmentée en plusieurs critères avec une classification en quatre niveaux. Cette nomenclature réduit notre capacité à rendre compte des véritables performances des enseignants. Certains critères ne permettent pas de distinguer les enseignants les plus investis, et le caractère figé des appréciations empêche parfois une reconnaissance fine du travail accompli.
De plus, les avancements accélérés au sein du PPCR ne concernent qu’un nombre restreint d’enseignants, ce qui crée un sentiment d’injustice parmi les évalués et nous place dans une position délicate.
Notre mission d’accompagnement pédagogique se trouve ainsi fragilisée par un système où les décisions semblent parfois dictées par des quotas plus que par une réelle évaluation des compétences et de l’engagement professionnel.
Se pose également la question du regard que portent les enseignants sur l’impact réel de cette évaluation réalisée par l’inspecteur puisque le gain entre l’avancement par le PPCR et celui à l’ancienneté reste maigre. Il en est de même avec un avis « à consolider ». Bien évidemment, nous proposerons à l’enseignant des conseils, des ressources, des formations, des observations en classe. Mais, l’enseignant n’a pas obligation d’accepter cet accompagnement. Il n’y aura aucun impact immédiat sur la carrière. Cet avis n’entraîne pas automatiquement de sanctions ni de blocage de carrière. Il peut juste influencer les promotions futures.
Pour les enseignants le passage à la hors classe est automatique quels que soient les avis des inspecteurs, même après des avis « à consolider » répétés. Il faut émettre une opposition chaque année pour ne pas laisser les enseignants défaillants à la hors classe.
Enfin, il est parfois complexe pour un enseignant qui a obtenu « très satisfaisant » à l’échelon 6 ou 8 d’accepter d’avoir « satisfaisant » à l’échelon supérieur. Pour éviter ce désagrément des collègues reconnaissent ne pas mettre plus que « satisfaisant » à l’échelon 6, par exemple ou « très satisfaisant » à l’échelon 8.
Pour ceux qui justifient leur choix par le fait que les exigences augmentent avec l’échelon, les recours se multiplient. Pour peu que le recours aboutisse favorablement, l’inspecteur peut se sentir mis en défaut par sa propre hiérarchie quant à ses compétences d’évaluateur.
Le PPCR, tel qu’il est appliqué aujourd’hui, place les inspecteurs dans une situation intenable, les obligeant à jongler entre des exigences administratives toujours plus lourdes et un cadre d’évaluation rigide qui nuit à leur mission principale : accompagner les enseignants pour améliorer la qualité de l’éducation.
Expendables : unité spéciale d’IEN
Dans des temps immémoriaux du système éducatif et bien avant les lois de décentralisation ou de déconcentration, il était considéré dans un système cohérent que les instituteurs, puis PE, notamment, enseignent et les inspecteurs inspectent. L’on peut se poser quelques questions sur le sens de ce mot, dépassant le verbiage du grand méchant de l’administration allant chercher des noises au gentil pédagogue de terrain. Il me semble qu’un des aspects sémantiques de ce verbe contenait implicitement la notion de pilotage, à savoir un concept qui se nourrissait d’un côté des instructions officielles et de l’autre d’une réalité du terrain. Tout l’art de l’inspection étant de rapprocher l’un et l’autre, risquons un grand mot, visant à l’efficacité du Service Public d’Education pour ses premiers usagers, nos élèves.
Pour ce faire, bien évidemment, l’inspection était un des fers de lance de ce projet impliquant l’analyse des séances, partagée lors d’un échange professionnel, ne voulant pas dire stigmatisation ou enjolivement. Il s’agissait après avoir dégagé les points positifs d’identifier les pistes de réflexion pour l’amélioration du geste pédagogique. Nous savons tous que l'évolution, voire la modification des pratiques, a fortiori dans notre métier, ne se décrète pas et nécessite pour le collègue un temps d’intégration, de réflexion pour aboutir à leur application/construction. En ce sens, une périodicité de plus ou moins trois ans dans le cadre d’une continuité d’action, de projet, n’était pas déraisonnable.
De quels outils disposions-nous pour y tendre après l’entretien individuel évoqué ?
Et oui certes, nous en disposions, dans ce qu’il était convenu d’appeler un projet de circonscription, car comme convenu dans notre jargon : « Pas de projet sans moyens, pas de moyens sans projet ». Ceci pourrait être qualifié de nos jours de réciprocité positive entre le terrain et l’institution dans notre rôle médian. Au-delà des premières adresses de l’entretien pouvait s’en suivre un choix de journées pédagogiques, à thèmes ciblés, mais aussi quelques stages de circonscription, jusqu’à huit «R1*» pour les « Grognards » (vocable évoqué à titre de compensation affective) et enfin à l’échelle du département les «R3*» en cohérence avec les priorités académiques, LVE, Arts et Culture, Enseignement des sciences….
Le pilotage pouvait s’envisager sereinement avec aussi, ne l’oublions jamais, une responsabilité de guidance pour celui ou celle qui en tenait les rênes, devant aussi rendre compte. « Pas de liberté sans responsabilité, pas de responsabilité sans liberté » cf supra.
La mise en parallèle Inspection/PPCR me semble souffrir difficilement la comparaison au regard du but visé. Je peux ne plus rien entendre au sens des mots ou à la représentation conceptuelle de telle ou telle notion, mais j’ai du mal à trouver quelque équivalence entre une douzaine de visites dans une carrière de 37,5 ans à trois entretiens sur une période de 42 ans en termes de fréquence. Dans le même ordre d’idées le rapport d’inspection, vrai document épistolaire, établissant l’observation et l’analyse de situations, dégageant des pistes de réflexion, des encouragements et de l’accompagnement peut-il être comparé utilement à une sorte de QCM aux 11 items déjà ordonnés et classifiés ? Certes, existent 2048 caractères, espaces compris, pour exemplifier, illustrer, suggérer. Sans le moindre ressenti d’hypertrophie chevillère, nos grands maîtres littéraires auraient -ils été autant appréciés s’ils avaient dû passer de la Pléiade à la collection « Que sais-je » je ne sais ?
Le rapport d’inspection se voulait aussi un écrit à double destinataire, le collègue bien sûr mais aussi l’IA-DASEN dans le but louable, et ô combien nécessaire, de le tenir informé de la réalité de fonctionnement de ses écoles, de ses agents. C’est là-aussi et toujours le pilotage, ici par la remontée d’informations. Je ne sais combien de nos responsables actuels se penchent sur la consultation de PPCR pour affiner leur représentation de la mission d’enseignement au réel.
Enfin en ces temps où l’on fait mine de s’intéresser au problème de l’absentéisme et de ses conséquences sociétales néfastes, il me revient que la plupart des Rapports d’Inspection que j’ai pu commettre ou consulter ne manquaient de signifier l’état de cette réalité pour alerter ou s’en féliciter.
Pour conclure très provisoirement, si le PPCR se doit d’être un outil de gestion des carrières et de paix sociale, il me semble assez adapté à cette mission, s’il s’agit de chercher à élaborer un outil de guidance pour l’amélioration du service rendu à nos élèves par l’amélioration de l’accompagnement de nos maitres d’école, il n’en serait que le Plus Petit Commun Réducteur et lors, la quête continue sans avoir crainte d’interroger le passé pour tenter de mieux cerner l’avenir.
*R = semaine
Elie, historien (après Antoine) de notre système éducatif
C’est l’histoire d’un Parcours qui manque pas d’air,
Un machin Professionnel qui coute pas cher,
Un truc censé donner cœur aux Carrières,
En fait, juste une Rémunération au lance-pierre.
Bienvenu dans le monde merveilleux du PPCR !
Un stratagème que tous huèrent,
Du PE un peu seul sur terre,
A l’IEN devant 2048 caractères,
En passant par le jusqu’au-boustisme d’un monde à l’envers.
3 fois dans ta vie on te toisera par les 12 critères,
Puis jusqu’à la retraite (s’éloignant) tu erres,
Jusqu’au gong, sans personne, garde tes repères,
Au mieux, suis la piste du chausson de vair…
Envers et contre tout jamais on ne l’enterre,
6, 8 et 9, un point c’est tout, c’est clair !
Compte les échelons, garde les œillères...
Bougeons les lignes, élargissons les aires,
Comme pour la route, un dernier verre,
Tiens, par exemple pour fêter la hors classe, je te PPCR,
(et toi tu me paieras une bière**).
Et tous en cœurs, du chef (au PE) ils opinèrent…
* Aux rimes forcées j’adhère ! 😉
** évidemment avec dedans de l’Amer, hein !
Oké, ça va, j’arrête de braire…
Victor, poète des cimes
Dans la série des applications plus absconses les unes que les autres, notre noble et « stable » institution, toujours plus novatrice et insatisfaite que jamais, a consacré en ce beau mois de mai 2017, le protocole Parcours Professionnels Carrières Rémunérations. Finie l’inspection traditionnelle qui permettait de réellement rendre compte de la manière de servir d’un enseignant, fini l’appui sur une procédure bien rodée laquelle permettait de cerner pour les PE, pour un même territoire, les besoins en formation et bâtir avec cohérence un plan d’actions en circonscription (pardon ! un projet de performance). C’était le temps où l’IEN pilotait dans une confiance manifestée par son administration de tutelle, le temps de la planification, de l’anticipation et des initiatives.
Aujourd’hui le code a changé. Nous avons cédé au chant des SIRHEN . Place à une variante de la bataille navale. Une symphonie en onze croix, une tactique en 5-3-3 et 2048 caractères. La bride est posée.
Ce carcan administratif normé distille au compte-gouttes des appréciations, dans une malsaine politique de quotas. Il vous appartient d’évaluer tout en respectant des volumes acceptables de satisfécits décernés. Il vous faudra, au gré d’une politique académique, classer les performances individuelles pour les fondre dans un pot commun départemental qui ne sanctionne pas la qualité réelle de l’enseignant mais répond à une quotité d’avis « excellents-très satisfaisants-satisfaisants»* imposée à l’avance. J’ai même pu observer dans un grand département, une modalité de type « bourse d’échange » où certains IEN qui n’avaient pas épuisé la totalité d’avis « Excellent » les remettaient à disposition d’autres circonscriptions lors d’une réunion de régulation de type « grande braderie » !
Il est question d’accompagnement individuel et collectif ? Observons de plus près la réalité :
- accompagnement individuel : si les éléments prescriptifs et pistes de renforcement professionnel sont absents du compte rendu alors que faut-il dire, proposer… et rédiger ?
- accompagnement collectif : si l’IEN n’est plus en gestion de la programmation annuelle des « inspections » comment penser cette notion de collectif ? Les objets de formation lui sont imposées par le national (constellations maths/français, pHARe, laïcité, APQ…), quelle est donc sa marge de manœuvre ? Quel beau mirage !
L’inspecteur n’a aujourd’hui que l’illusion du pilotage, il est un simple gestionnaire de flux et de ressources.
Philippe Meirieu avait raison quand il expliquait que lorsque nous utilisions un aspirateur nous ne regardions pas le mode d’emploi tant que nécessité ne se faisait sentir. Pour le PPCR c’est un peu la même chose sauf que… de mode d’emploi il n’y a pas !!
Dans son ambition de justesse et d’objectivité, l’inspecteur a la volonté de faire de ce rendez-vous, un temps d’échange au plus près des préoccupations des enseignants, un moment de bilan dans le parcours d’un agent (ma vie, mon œuvre). Le temps de classe est un prétexte pour évoquer la carrière, les réussites, les perspectives, le questionnement, les doutes, les besoins d’accompagnement, les évolutions vers une autre fonction, un autre métier. Ce processus fait sens s’il s’appuie sur une confiance mutuelle dans un rapport clairement établi et dont les contours sont délimités.
Alors comment concevoir que, par nécessité d’une harmonisation départementale, l’autorité hiérarchique vous interpelle pour modifier votre écrit, vos appréciations, la distribution des croix sur « quadrillage » ? Bienvenue dans un monde de contingences, dans un monde où, en fonction du rdv (1er, second, troisième), il faille à minima, pour un avis très satisfaisant, un nombre minimum de croix dans cette même colonne ? Une dérive mécaniciste honteuse souvent impulsée par un DASEN, dérive qui ne peut qu’effilocher ce lien de confiance entre équipes et inspecteur dans une circonscription.
La centrale a encore raté le coche en réduisant cet acte éminemment pédagogique à une simple procédure administrative. Dans la longue liste des injonctions et dispositions qui accentuent la perte de sens du métier d’inspecteur, le PPCR se situe en bonne place.
Très sincèrement, est-ce que ce monde est sérieux ?
*Pour la petite histoire, il n’existe pas de quota imposé pour l’appréciation finale « À Consolider » !! Ouf !
Léon, flingueur à défaut d’être nettoyeur
Dimanche matin, janvier 2025, je n’ai pas eu le temps de vérifier sur « SIRHEN PRODUCTION portail gestionnaire » (rien que le nom fait rêver !), si les enseignants que je vais voir en entretien de carrière cette semaine ont bien accusé réception de ma visite… je vais sur Arena, je clique sur cette sirène et, zuuut, il faut ma clé OTP ; où est-elle déjà, je cherche, je cherche, impossible de la retrouver.
Le stress monte, moins de 24 heures avant le début d’une nouvelle semaine. Tant pis, je n’ai pas le choix, je clique sur « support et assistance » pour me connecter au « centre de service et d’accompagnement ». Jusqu’ici tout va bien, on comprend les intitulés d’Arena, mais ça se complique rapidement : il me faut créer un « ticket » sur le portail « SUMIT » en recherchant dans le catalogue de ticket à partir d’un mot clé !!!
Bon, ce n’est pas grave, je décide de reporter cette demande à demain lundi, ce sera plus simple de me faire accompagner par le conseiller numérique de la circonscription.
Mais j’ai ouvert mon ordinateur, et je ne résiste pas à jeter un coup d’œil sur les nombreux courriels que je n’ai pas encore traités, mauvais délire…
Un directeur d’école privé m’écrit qu’il n’a pas accès à « Archipel » et que le service dédié de la DSDEN lui a dit qu’il fallait demander à son IEN (merci le transfert de charge administrative sur les circonscriptions !) ; ah oui, attribuer des droits, ça me dit quelque chose ; je reprends un café et, tout d’un coup, j’ai un flash : c’est sur « SOLARIS » qu’on fait ça, mais bien sûr, me voilà rassuré !
Une directrice m’a également écrit vendredi à 16H35 car elle a perdu le mot de passe de l’adresse de l’école depuis… une semaine (no comment). Ah oui, ça tombe bien, je suis encore connecté à Arena ; là je crois que c’est une histoire de réinitialisation, mais avec quelle application ? Je ne m’en rappelle plus. J’appelle une collègue, amie aussi puisqu’elle me répond le dimanche. C’est Hermione, que nous avons rencontrée lors de la première newsletter. Mais bien sûr, il faut aller sur GeBoFa dans « annuaires » de « référentiels, intranet et outils », comment ai-je pu oublier cela ?
J’hésite à prendre un doliprane mais avant, je me souviens que dans deux semaines je vais à Poitiers, il faut donc que j’anticipe pour mon billet de train : je clique sur « gestion des personnels » puis sur « déplacements temporaires », jusqu’ici tout va toujours bien, et puis, et puis, comment on fait déjà, quelle « enveloppe de moyens », quel « code projet » renseigné ? Je ne sais pas, je ne sais plus, j’en ai marre.
Cette fois je n’en peux plus, je me décide à faire une déclaration sur « PROXY-RH » pour être accompagné humainement dans mon stress numérique professionnel, et je leur proposerai en entretien de colibriser tout ça, et tout ira mieux !
Moralité, je n’ai pas pu me concentrer sur l’une de mes missions premières : l’accompagnement pédagogique et humain des enseignants.
Alors merci ARENA, merci beaucoup pour tout !
Léonard, membre du collectif « Slow Application »